samedi 17 septembre 2011

Facteurs de risque des cancers de la cavité buccale, du pharynx (cavum exclu) et du larynx


données sur les facteurs de risques potentiels, tout particulièrement
chez les patients non alcoolotabagiques qui semblent
représenter une part de plus en plus importante des patients
traités, au delà des 5 % rapportés habituellement dans la
littérature [24,38]. Malheureusement nous ne disposons pas
de chiffres précis et récents concernant le pourcentage exact
que représente ce groupe de patients, que ce soit en France ou
dans les autres pays. Il est d’ailleurs fort probable que les
facteurs environnementaux (nutrition, expositions professionnelles)
et les facteurs viraux ont été largement sous-estimés
jusqu’à présent, pouvant expliquer en partie l’augmentation
des cancers des VADS chez cette catégorie d’individus. En
France, les registres du cancer regroupés dans le réseau Francim
ont sans nul doute un rôle essentiel à jouer dans la
coordination des différents intervenants que nous venons de
citer et dans la centralisation des données épidémiologiques.
En identifiant de nouveaux facteurs de risques potentiels, il sera
alors possible d’agir en prévention primaire et de contribuer à
faire diminuer la fréquence et la mortalité par cancer des VADS.
Les campagnes d’information et de lutte contre l’alcoolisme et
le tabagisme en France illustrent parfaitement l’impact possible
sur la prévention primaire de ce type de cancer.
La consommation d’alcool diminue régulièrement en France
depuis les années 1950. Cette consommation continue de
diminuer ; ainsi, avec 3,4 L d’alcool pur par habitant consommés
en 2005, elle ne représente qu’1/3 de la consommation de
2003 estimée à 9,3 L d’alcool pur [36]. Une telle réduction de la
consommation en un espace de temps aussi court demande à
être vérifiée. En effet, plusieurs points doivent rendre prudente
l’analyse des données recueillies lors de l’enquête téléphonique
menée en 2005 :
les personnes interroge´ es ont tendance a` sous-estimer leur
consommation re´ elle ;
les chiffres obtenus en 2003 l’ont e´ te´ a` partir des quantite´ s
de´ clare´ es d’alcool vendu en France et non a` partir d’une enqueˆ te
te´ le´ phonique.
Toutefois on peut y voir le résultat des campagnes de prévention
que ce soit à la télévision, dans la presse écrite (médicale
ou non), dans les campagnes d’affichages depuis le milieu des
années 1990. Cette diminution de la consommation a eu un
effet bénéfique sur la mortalité masculine par cancer de la
cavité buccale, du pharynx et du larynx (figure 2). Les comportements
se sont également modifiés avec un renforcement
de la notion de plaisir associé à la consommation d’alcool. Ainsi,
la consommation moyenne annuelle double entre les tranches
d’âge 20–25 ans et 65–75 ans ; s’ils sont relativement peu
nombreux à consommer de l’alcool quotidiennement, les
jeunes ont plus fréquemment des comportements d’ivresse
que leurs aînés avec au moins 48,3 % des hommes et 20 % des
femmes de 20 à 25 ans buveurs avouant avoir eu au moins une
ivresse au cours des 12 derniers mois [36]. L’impact de cette
alcoolisation massive et sévère, rencontrée principalement le
week-end, est encore mal défini d’une façon générale et
encore moins pour les cancers des VADS.
La mortalité observée en 1995 (figure 2) est la conséquence
d’habitudes prises 20 à 50 ans auparavant. Nous sommes donc
en train d’observer la fin des conséquences des comportements
des années 1940 et le début de celles des comportements des
années 1970. Ainsi pour le tabac, la consommation ayant
augmenté jusqu’en 1975 (figure 3), le nombre de cancers
de la cavité buccale du pharynx et du larynx va continuer à
1237 Revue systématique
Figure 2
Évolution de la mortalité par cancer des VADS en France depuis
1950 (d’après Hill [39])
Figure 3
Évolution des ventes et du prix de tabac en France (d’après Hill
[39]). Sources : Dominique Dubeaux, Insee, pour le prix et
Monique Padioleau, Seita, pour les ventes. Les prix sont relatifs,
base 100 en 1970, le tabac est exprimé en grammes par adulte et


augmenter au moins jusqu’en 2020. L’augmentation sera particulièrement
importante chez les femmes qui fumaient encore
très peu à la fin des années 1980, à l’exception des femmes
jeunes [38]. Ceci explique que l’augmentation des cancers liés
au tabac, qu’ils soient pulmonaires ou des VADS, a à peine
débuté en France dans la population féminine. Comme le
démontre très bien la figure 3, la consommation de tabac,
en particulier des cigarettes, est inversement proportionnelle
au prix. Il est probable que les très fortes hausses de prix
constatées depuis le début les années 2000 ont et auront des
conséquences en termes de consommation, même si nous ne
disposons pas encore de chiffres précis à ce sujet. Si cette
tendance se poursuit, l’impact sur la mortalité par cancer des
VADS sera différé dans le temps.
Conclusion
Comme nous venons de le voir, les facteurs de risque des
cancers des VADS sont très nombreux. Ceci implique que
l’interrogatoire des patients atteints par ce type de cancer soit
très approfondi en particulier chez les patients ne présentant
pas d’intoxication alcoolotabagique, mais également chez les
autres patients car les effets connus du tabac et de l’alcool
peuvent être amplifiés et aggravés par d’autres facteurs qu’ils
soient infectieux (virus) ou environnementaux (nutrition, facteurs
professionnels). En ce qui concerne le tabac et l’alcool, le
bilan qui vient d’être présenté souligne l’importance de la
prévention en convaincant l’ensemble de la population française
d’arrêter de fumer et de réduire sa consommation
d’alcool à 1 à 2 verres par jour, sans dépasser 3 verres. Si
les consommations de tabac et d’alcool continuent à diminuer,
la réduction de mortalité par cancers de la cavité buccale, du
pharynx et du larynx, commencée au milieu des années 1970,
se poursuivra. Enfin, la collaboration entre les médecins prenant
en charge ce type de cancer, les épidémiologistes, les
nutritionnistes et les médecins du travail est absolument
nécessaire pour avancer dans l’identification de nouveaux
toxiques autres que le tabac et l’alcool.
Conflits d’intérêts : aucun
1238
Références
[1] Kripalani-Jhosi S, Law HY. Identification of
integrated Epstein-Barr virus in nasopharyngeal
carcinoma using pulse field gel
electrophoresis. Int J Cancer 1994;56:
187-92.
[2] Jemal A, Tiwari RC, Murray T, Ghaffoor A,
Samuels A, Ward E et al. Cancer Statistics
2004. CA Cancer J Clin 2004;54:8-29.
[3] WHO. In: Shanmugaratnam K, editor.
Histological typing of tumors of the upper
respiratory tract and ear. Berlin, Heidelberg,
New YorK: Springer; 2005.
[4] Uzcudun AE, Retolaza IR, Fernandez PB,
Sanchez Hernandez JJ, Grande AG, Garcia AG
et al. Nutrition and pharyngeal cancer:
results from a case-control study in spain.
Head Neck 2002;831-40.
[5] Baatenburg de Jong RJ, Hermans JO, Molenaar
J, Briaire JJ, le Cessie S. Prediction of
survival in patients with head and neck
cancer. Head Neck 2001;23:718-24.
[6] Anaes (Agence nationale et d’évaluation en
santé). Guide d’analyse de la littérature et
gradation des recommandations, Service
Recommandations Professionnelles, Janvier
2000.
[7] Marandas P, Marandas N. Situation actuelle
des cancers des voies aéro-digestives
supérieures en France et données
épidémiologiques. In: Marandas P, editor.
Cancers des voies aréo-digestives
supérieures. Données actuelles. Paris: Masson;
2004. p. 3-20.
[8] Nair U, Bartsch H, Nair J. Alert for an
epidemic of oral cancer due to use of the
betel quid substitutes gutkha and pan
masala: a review of agents and causative
mechanisms. Mutagenesis 2004;19:251-62.
[9] Schantz SP, Guo-Pei Yu. Head and Neck
Cancer incidence trends in young
Americans, 1973-1997, with a special
analysis for tongue cancer. Arch Otolaryngol
Head and Neck Surg 2002;128:268-74.
[10] International Agency for Research on
Cancer. Tobacco habits other than smoking.
IARC monographs on the evaluation
of carcinogenic risk of chemicals to humans,
Volume 37. Lyon: IARC; 1985. pp
37–140.
[11] Doll R, Peto R. Mortality in relation to
smoking: 20 years’ observations on male.
British doctors. Br Med J 1976;2:1525-36.
[12] Szekely G, Remenar E, Kasler M, Gundy S.
Mutagen sensitivity of patients with cancer
at different sites of the head and neck.
Mutagenesis 2005;20:381-5.
[13] Nagaraj NS, Beckers S, Mensah JK, Waigel S,
Vigneswaran N, Zacharias W. Cigarette
smoke condensate induces cytochromes
P450 and aldo-keto reductases in oral
cancer cells. Toxicol Lett 2006;165:182-94.
[14] Denissenko MF, Pao A, Tang M, Pfeifer GP.
Preferential formation of benzo(a)pyrene
adducts at lung cancer mutational hotspots
in P53. Science 1996;274:430-2.
[15] Blons H, Laccourreye O, Laurent-Puig P.
Altérations cellulaires et cancérogenèse
ORL, marqueurs moléculaires et cibles
thérapeutiques potentielles. Ann Otolaryngol
Chir Cervicofac 2003;120:152-60.
[16] El-Deiry WS. The role of p53 in chemosensitivity
and radiosensitivity. Oncogene
2003;22:7486-95.
[17] Fan CY. Genetic alterations in head and
neck cancer: interactions among environmental
carinogens, cell cycle control, and
host DNA repair. Curr Oncol Rep 2001;3:
66-71.
[18] Onoda N, Nehmi A, Weiner D, Nujumdar S,
Christen R, Log G. Nicotine affects the
signaling of the death pathway, reducing
the response of head and neck cancer cell
lines to DNA damaging agents. Head Neck
2001;23:860-70.
[19] André K, Schraub S, Mercier M, Bontemps P.
Role of alcohol and tobacco in the aetiology
of head and neck cancer: a case-control
study in the Doubs region of France. Oral
Oncol 1995;31:301-9.
[20] International Agency for Research on
Cancer. Alcohol drinking. IARC monographs
on the evaluation of the carcinogenic risk of
chemicals to humans, Volume 44. Lyon:
IARC; 1988. p. 1–416.
[21] Silvermann SJr, Gorsby M, Greenspan JR.
Tobacco usage in patients with head and
neck cancer. A follow-up study in habit
changes and second primary oral oropharyngeal
cancers. J Amer Dent Assoc
1983;103:33-5.
[22] Scully C, Field JK, Tanzawa H. Genetic
aberrations in oral or head and neck
squamous cell carcinoma (SCCHN): Carcinogen
metabolism, DNA repair and cell cycle
control. Oral Oncol 2000;36:256-63.