(1) Service de Stomatologie, Chirurgie Maxillo-Faciale et Chirurgie Plastique de la Face, Hôpital Lapeyronie, 371, avenue du Doyen Gaston Giraud,
34295 Montpellier Cedex 5.
(2) Chirurgie Maxillo-Faciale, avenue de l’Europe, 34830 Clapiers.
Tirés à part : J. Yachouh, à l’adresse ci-dessus.
CAS CLINIQUE
Un homme de 53 ans consulte pour une plaie du bord
droit de langue évoluant depuis un mois. Ce patient est
fumeur et ne relate aucun épisode de traumatisme de la
langue. L’examen endobuccal retrouve une fissuration
profonde du bord latéral droit de la langue avec induration
de son tiers moyen (fig. 1). Il existe une adénopathie
sous angulo-mandibulaire droite, indolore, sans caractère
inflammatoire.
La biologie montre une hyperleucocytose à polynucléaires
neutrophiles accompagnée d’une légère augmentation
des monocytes. La vitesse de sédimentation est
fortement augmentée (99/126).
Sur la radiographie du thorax on constate des opacités
alvéolaires confluentes avec alvéologramme et bronchogramme
aérien (fig. 2).
Figure 1 : Fissure du bord droit de la langue. Figure 2 : Opacités alvéolaires multiples sur la radiographie du thorax de
face.
QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ?
J. Yachouh et coll. Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac.
254
RÉPONSE
Malgré l’aspect de la radiographie, le diagnostic de carcinome
était à évoquer en premier lieu. Cependant, une
biopsie de la lésion a permis d’observer un granulome
giganto-cellulaire et épithélioïde avec nécrose de type
tuberculoïde (fig. 3). Il n’y avait pas de prolifération tumorale.
L’examen direct des crachats a révélé la présence de
bacilles acido-alcoolo résistants. La mise en culture des
prélèvements de la lésion et des crachats a montré la présence
de mycobacterium tuberculosis.
Il s’agissait d’une ulcération tuberculeuse de la langue.
Le patient a été hospitalisé et traité par trithérapie
(Izionazide, Rifampicine, Ethambutol) pendant 2 mois et
bithérapie pendant 6 mois. Un début de cicatrisation a été
observé après 4 jours de traitement et la cicatrisation
totale a été acquise en 2 mois.
La tuberculose primaire de la cavité buccale est peu fréquente
(10 cas recensés dans la littérature depuis 1976). Il
s’agit le plus souvent de l’ensemencement d’une plaie de
la muqueuse buccale par le mycobacterium tuberculosis
à partir d’un foyer de tuberculose pulmonaire [1]. Le
mycobacterium bovis contenu dans le lait de vache non
pasteurisé peut également être responsable de tuberculose
linguale. Le phénomène mécanique de nettoyage de
la salive, la présence des enzymes et des anticorps salivaires,
la grande variété de la flore saprophyte buccale confèrent
une résistance naturelle de la muqueuse buccale
contre ce type d’infection [2]. La pauvreté de la langue en
tissus lymphoïdes, pour lesquels le bacille tuberculeux a
beaucoup d’affinité, est un autre facteur expliquant la
rareté de la tuberculose linguale [3]. Le tableau clinique
est souvent semblable à celui de notre patient. Le diagnostic
est confirmé par la biopsie et la bactériologie de la
lésion. L’ulcération disparaît en quelques semaines après
le début de l’antibiothérapie.
RÉFÉRENCES
1. Junquera Gutierrez LM, Alonso Vaquero D, Palacios Gutierrez JJ.
Tuberculose primaire de la cavité orale. Rev Stomatol Chir
Maxillofac, 1996;97:3-6.
2. Dimitrakopolos I, Zouloumis L, Lazaridis N. Primary tuberculosis
of the oral cavity. Oral Surg Oral Med Oral Pathol, 1991;
72:712-5.
3. Pande TK, Hiran S, Rao VV, Pani S, Vishwanathan KA. Primary lingual
tuberculosis caused by mycobacterium bovis infection. Oral
Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod, 1995; 80:172-4.
Figure 3 : Coupe histologique montrant les cellules géantes de
Langerhans.