Observation
Il s’agit d’une fillette de six ans et demi, adresse´e aux urgences
pe´diatriques pour une tume´faction jugale gauche e´voluant
depuis quelques jours. Cette patiente ne pre´sente aucun
ante´ce´dent particulier hormis un e´pisode similaire survenu
quelques semaines plus toˆt, spontane´ment re´solutif.
La tume´faction est situe´e en regard de l’angle mandibulaire
gauche, elle est rouge, indure´e mais indolore a` la palpation
(fig 1a). Aucune hypoesthe´sie du V3 n’est note´e. L’e´tat ge´ne´-
ral est conserve´ et l’enfant est apyre´tique. Le reste de
l’examen clinique est sans particularite´. L’examen endobuccal
retrouve une voussure vestibulaire dure en regard de la 36
en cours d’e´ruption (fig 1b).
L’orthopantomogramme re´alise´ aux urgences est sans anomalie.
Une e´chographie est alors demande´e, retrouvant une le´sion
intramandibulaire, d’allure tissulaire, oste´olytique avec rupture
de la corticale externe et extension aux tissus mous. Le
diagnostic e´voque´ en premier lieu est celui d’oste´osarcome
mandibulaire compte tenu du caracte`re agressif de cette
le´sion.
L’enfant est alors hospitalise´e en service d’oncologie pe´diatrique
en vue de comple´ter le bilan radiologique (fig 2) et de
pratiquer une biopsie osseuse sous anesthe´sie ge´ne´rale.
La tomodensitome´trie faciale retrouve une le´sion oste´olytique
arrondie au contact de la face late´rale des racines de la
premie`re molaire (36) en cours d’e´ruption (fig 3a). Cette
le´sion interrompt la corticale externe et s’e´tend effectivement
aux tissus mous adjacents. Par ailleurs, une apposition
pe´rioste´e est constate´e sur le versant externe du corpus,
s’e´tendant de la 32 au germe de la 38. Du coˆte´ oppose´, on
Figure 1. a : tume´faction jugale gauche (fle`che) ; b : aspect endobuccal (fle`che).
* Auteur correspondant.
e-mail : cchossegros@ap-hm.fr.
Rec¸u le :
6 janvier 2009
Accepte´ le :
7 janvier 2009
Images
117
0035-1768/$ - see front matter 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
10.1016/j.stomax.2009.01.002 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2009;110:117-120
A. Gallucci et al. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2009;110:117-120
Figure 3. Denta-scanner du massif facial passant par la mandibule :
a : le´sion de la 36 en cours d’e´ruption avec effraction de la corticale
externe (fle`ches) ; b : le´sion en regard de la 46 incluse (fle`ches).
Figure
Figure 2. PET Scan cranio-facial : a : PET Scan en coupe transversale et en vue frontale montrant une hyperfixation mandibulaire gauche isole´e (fle`ches) ;
b : PET Scan du massif facial en coupe transversale. Hyperfixation mandibulaire pre´angulaire mandibulaire gauche, a` de´veloppement vestibulaire (fle`che).
retrouve une le´sion similaire moins e´tendue en regard de la
46 encore incluse (fig 3b).
L’IRM montre de la meˆme fac¸on des le´sions bilate´rales au
contact des dents de six ans. A`
gauche, la le´sion mesure
A. Gallucci et al. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2009;110:117-120
Figure 3. Denta-scanner du massif facial passant par la mandibule :
a : le´sion de la 36 en cours d’e´ruption avec effraction de la corticale
externe (fle`ches) ; b : le´sion en regard de la 46 incluse (fle`ches).
Figure 2. PET Scan cranio-facial : a : PET Scan en coupe transversale et en vue frontale montrant une hyperfixation mandibulaire gauche isole´e (fle`ches) ;
b : PET Scan du massif facial en coupe transversale. Hyperfixation mandibulaire pre´angulaire mandibulaire gauche, a` de´veloppement vestibulaire (fle`che).
Figure 4. IRM mandibulaire : le´sions bilate´rales en regard des 36 et 46,
de´veloppe´es au versant vestibulaire de la mandibule avec interruption
de la corticale externe a` gauche et extension aux tissus mous (fle`che).
Rehaussement apre`s injection de gadolinium.
118
3,7 cm de plus grand axe, elle apparaıˆt en signal interme´-
diaire en T1 et T2 et pre´sente un rehaussement franc et
he´te´roge`ne apre`s injection de gadolinium e´voquant un processus
inflammatoire (fig 4).
La biopsie–exe´re`se des le´sions est effectue´e sous anesthe´sie
ge´ne´rale avec conservation des premie`res molaires. A`
l’examen
macroscopique, il s’agit de le´sions tissulaires e´vocatrices
d’un kyste radiculaire. Ces le´sions se de´veloppent a` la
face externe du corpus mandibulaire avec effraction corticale
du coˆte´ gauche et extension de la le´sion aux tissus musculaires
environnants (fig 5).
Quel est votre diagnostic ?
Une tumeur mandibulaire chez une enfant de six ans. . .
Re´ponse
Le diagnostic retenu est celui de kyste paradentaire inflammatoire
(inflammatory paradental cyst ou IPC) de la premie`re
molaire de´finitive.
Cette le´sion a e´te´ de´crite pour la premie`re fois par Stoneman
et Worth en 1983 [1].
La pre´sentation clinique est simple : une tume´faction jugale
peu ou pas douloureuse.
Histologiquement, la le´sion est identique aux kystes pe´ricoronaires
des troisie`mes molaires et autres kystes radiculaires
[2–5].
Sa spe´cificite´ re´side dans l’aˆge de survenue : cinq a` dix ans et
l’atteinte de la premie`re et plus rarement de la deuxie`me
molaire de´finitives.
Ces kystes surviennent au collet de la dent, contre la face
externe des racines. Le point de de´part, est comme dans les
pe´ricoronarites, un processus inflammatoire dans le sac
pe´ridentaire. Ce phe´nome`ne n’est observe´ qu’au cours de
l’e´ruption des dents, en raison de l’inflammation gingivale et
de la prolife´ration de l’e´pithe´lium crestal observe´es a` ce
moment et responsables de la formation du kyste [4,5].
Le traitement recommande´ par les diffe´rentes e´quipes est
l’e´nucle´ation du kyste avec conservation de la dent incluse
[2–4].
D’apre`s les donne´es de la litte´rature, il n’existerait pas
de re´cidive postope´ratoire des phe´nome`nes inflammatoires
[2–4]. L’e´ruption dentaire se poursuit alors normalement, ce
qui justifie l’inte´reˆt d’un traitement conservateur sur les
dents causales.
Il semblerait par ailleurs que, en l’absence de surinfection,
beaucoup de ces kystes passent inaperc¸us et sont de re´solution
spontane´e.
Dans notre observation, le caracte`re bilate´ral plaidait en
faveur d’une le´sion be´nigne lie´e au de´veloppement, particulie`
rement chez un enfant de six ans. L’oste´osarcome est
facilement e´limine´. En revanche, on aurait e´galement pu
discuter le diagnostic de che´rubinisme qui associe des le´sions
kystiques mandibulaires bilate´rales mais ces le´sions sont
situe´es au niveau des angles mandibulaires et non des dents
en cours d’e´ruption [6].
Conflits d’inte´reˆts
Aucun.
Re´fe´rences
1. Stoneman DW, Worth HM. The mandibular infected buccal
cystmolar area. Dent Radiogr Photogr 1983;56:1–14.
2. Lacaita MG, Capodiferro S, Favia G, Santarelli A, Lo Muzio L.
Infected paradental cysts in children: a clinicopathological study
of 15 cases. Br J Oral Maxillofac Surg 2006;44:112–5.
3. Morimoto Y, Tanaka T, Nishida I, Kito S, Hirashima S, Okabe S,
et al. Inflammatory paradental cyst (IPC) in the mandibular
premolar region in children. Oral Surg Oral Med Oral Pathol
Oral Radiol Endod 2004;97:286–93.
4. Philipsen HP, Reichart PA, Ogawa I, Suey Y, Tanaka T. The
inflammatory paradental cyst: a critical review of 342 cases
from a literature survey including 17 new cases from the
author’s files. J Oral Pathol Med 2004;33:147–55.
5. Shohat I, Buchner A, Taicher S. Mandibular buccal bifurcation
cyst: enucleation without extraction. Int J Oral Maxillofac Surg
2003;32:610–3.
6. Chossegros C, Blanc JL, Cheynet F, Vitton J. Che´rubisme. A`
propos de trois observations familiales. Rev Stomatol Chir
Maxillofac 1990;91:23–32.
A. Gallucci et al. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2009;110:117-120
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