La modification de la posologie des bisphosphonates
après l’apparition d’une ostéonécrose ne peut pas avoir
une incidence favorable immédiate sur l’évolution de la
lésion:en effet,les bisphosphonates absorbés n’ayant pas
été métabolisés, ils continuent à agir probablement
encore longtemps après l’arrêt du traitement; à titre
d’exemple, la demi-vie osseuse de l’alendronate varie
entre 1 à 10 ans selon le turn-over osseux20.
La physiopathologie de ces ostéonécroses n’est pas
totalement élucidée et plusieurs hypothèses sont évoquées.
Les bisphosphonates agissent sur les ostéoclastes
et provoquent une diminution du remodelage
osseux, donc une augmentation de la minéralisation
osseuse21 et, secondairement, une diminution de la
vascularisation osseuse comme dans toute affection
ostéo-condensante. L’effet anti-angiogénique, propre
aux aminobisphosphonates (principalement le zolédronate)
5, pourrait participer à la diminution de la
vascularisation. Les ostéonécroses sont donc très certainement
d’origine ischémique et, comme les bisphosphonates
ne sont pas métabolisés, le degré de
minéralisation et d’ischémie est sans doute en rapport
direct avec la dose cumulée.
D’autres facteurs, hormis ceux évoqués ci-dessus, ont
peut être un rôle pour expliquer la localisation exclusive
aux maxillaires. Dans les cas publiés, on trouve
peu de précisions sur les raisons qui ont motivé les
extractions dentaires qui, pour la plupart des auteurs,
auraient déclenché le processus d’ostéonécrose. Le
plus souvent, il semble plutôt s’agir d’un accident
infectieux ou inflammatoire, favorisé par l’ostéonécrose;
dans cette hypothèse, l’extraction dentaire révélerait
l’existence de l’ostéonécrose et elle n’en serait
donc pas la cause directe.
La présence d’une dent avec une atteinte
parodontale – ce qui signifie l’existence
d’une solution de continuité de la
muqueuse – favorise la contamination, à
partir de la flore buccale, de l’os en voie de
nécrose et cette contamination pourrait
même participer à l’apparition et l’extension
du processus de nécrose.
Comme dans la plupart des cas publiés,
le traitement comportait aussi une chimiothérapie
et/ou une radiothérapie ;
certains auteurs en ont déduit que les
bisphosphonates joueraient seulement le
rôle de co-facteur19. Cette hypothèse
étiopathogénique ne permet pas d’expliquer
les cas où on ne retrouve pas cette
association thérapeutique (par exemple,
le troisième et le huitième cas dans notre
10 septembre 2005 • tome 34 • n°15
Figure 5 Séquestre osseux d’aspect caractéristique (cas n° 1) : les travées, à bords
irréguliers, présentant un remaniement ostéoclasique sans ostéoclastes ; les logettes
ostéocytaires sont vides et, par endroits, on observe des amas de germes.
série). Il semble que l’ostéonécrose résulte principalement
d’une augmentation excessive de la minéralisation
secondaire à une dose accumulée de bisphosphonates
trop importante. Il serait donc souhaitable
d’entreprendre des investigations complémentaires
pour préciser le mode d’action et la demivie
des bisphosphonates, afin de trouver la posologie
la mieux adaptée pour chaque patient et/ou
pour chaque affection. Enfin, tant que les mécanismes
physiopathologiques de cette ostéonécrose
ne seront pas mieux connus, on ne pourra pas
s’empêcher de faire un parallèle avec l’ostéonécrose
des maxillaires due à la toxicité du phosphore22.
En attendant ces précisions, avant de prescrire des bisphosphonates,
le patient doit être informé de cette complication
éventuelle et éliminer les facteurs favorisants
potentiels.Les interventions de chirurgie implantaire doivent
être également déconseillées aux sujets en cours de
traitement23 ou ayant été traités récemment. Une mise
en état de la denture (soins d’hygiène et élimination des
foyers infectieux bucco-dentaires, traitement des caries,
contrôle de l’adaptation des prothèses amovibles)
devrait être réalisée systématiquement afin de limiter les
interventions et les soins dentaires pendant le traitement.
Lorsqu’un foyer d’ostéonécrose est apparu, il
semble judicieux de procéder, sans trop tarder, à l’ablation
de l’os nécrosé. C’est la meilleure façon de supprimer
l’exposition osseuse car sa persistance favorise l’infection
et entraîne une augmentation probable de la
taille du séquestre.
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