ne femme de 51 ans, diabe´tique de type 1, a e´te´
admise dans le service pour prise en charge d’une
sinusite maxillaire gauche chronique et hyperalgique.
La patiente pre´sentait depuis cinq mois des douleurs de
l’he´miface gauche e´tiquete´es « zona ophtalmique ». Un
scanner sinusien effectue´ au troisie`me mois montrait un
aspect de sinusite maxillaire gauche, assez classique. Malgre´
de multiples cures d’antibiotiques (pristinamycine, ofloxacine,
metronidazole/spiramycine, ceftriaxone, levofloxacine)
et meˆme ponctuellement de corticoı¨des, les douleurs ont
persiste´, ce qui a ne´cessite´ l’introduction d’antalgiques de
niveau 3 (sulfate de morphine 60 mg/j).
L’examen clinique a` l’entre´e re´ve´lait une discre`te tume´faction
douloureuse du cintre maxillomalaire gauche, une
hypoesthe´sie dans le territoire du V2 homolate´ral et une
rhinite muqueuse a` l’examen endoscopique. La patiente
e´tait apyre´tique.
Un nouveau scanner sinusien retrouvait la sinusite maxillaire
gauche chronique mais e´galement une oste´ite avec oste´olyse
de la corticale interne endonasale et du plancher sinusien
maxillaire gauche (fig. 1 et 2).
La biologie re´ve´lait une e´le´vation importante de l’he´moglobine
glyque´e (9,2 %) traduisant un de´se´quilibre chronique
du diabe`te. Il n’y avait pas de syndrome inflammatoire
biologique.
Un curetage chirurgical appuye´ de la muqueuse du sinus
maxillaire gauche a e´te´ effectue´ par voie de Cadwell-Luc,
permettant d’une part d’enlever plusieurs fragments osseux
mobiles, notamment au niveau de la cloison intersinusonasale
gauche, et d’autre part de faire un lavage par antiseptique.
Quel est votre diagnostic ?
Figure 1. Scanner du massif facial en coupe coronale, au cinquie`me mois
d’e´volution. Aspect de sinusite maxillaire gauche. Noter la lyse osseuse
de la corticale externe (fle`che) et de la cloison intersinusonasale.
Figure 2. Scanner du massif facial en coupe coronale, au cinquie`me mois
d’e´volution. Aspect de sinusite maxillaire gauche avec oste´olyse du
plancher orbitaire (fle`che).
* Auteur correspondant.
e-mail : cyrille.chossegros@wanadoo.fr
Rec¸u le :
14 juin 2007
Accepte´ le :
20 juin 2007
Disponible en ligne
26 novembre 2007
Images
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0035-1768/$ - see front matter 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
10.1016/j.stomax.2007.06.028 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2008;109:249-250
Re´ponse
Le diagnostic a e´te´ celui de mucormycose rhinosinusienne.
C’est l’examen anatomopathologique, en montrant des
le´sions inflammatoires chroniques centre´es par de la
ne´crose, qui a fait e´voquer le diagnostic. Ce dernier est
confirme´ par l’examen mycologique.
Sur le plan e´pide´miologique, le premier cas demucormycose
disse´mine´ avec atteinte du syste`me nerveux central a e´te´
de´crit par Paltauf en 1885 [1]. Les facteurs pre´disposants au
de´veloppement d’unemucormycose sont l’acidoce´tose (diabe
´tique ou d’insuffisance re´nale), ce qui e´tait le cas de notre
patiente, l’immunode´pression apre`s transplantation
d’organes ou de moelle osseuse, l’infection par le VIH, la
corticothe´rapie (ce qui a e´galement concerne´ notre
patiente), les traitements par de´fe´roxamine, et les neutrope
´nies prolonge´es [2,3]. De rares cas ont e´te´ de´crits chez des
patients sans de´ficit immunitaire patent [2]. La sex-ratio est
e´gale a` un. L’aˆgemoyen du diagnostic est compris entre 30
et 70 ans [1]. Les mucormycoses rhinosinusiennes sont les
plus fre´quentes (39 %), suivies par les atteintes pulmonaires
(24 %), cutane´es (19 %), ce´re´brales (9 %), gastro-intestinales
(7 %) ; les autres sites (6 %) et les formes disse´mine´es (6 %)
sont plus rares [4]. La porte d’entre´e est le plus souvent
respiratoire par inhalation de spores. Plus rarement, la
contamination se fait par voie digestive ou par inoculation
percutane´e. La fre´quence des mucormycoses est en augmentation
re´gulie`re depuis quelques anne´es [5,6]. Elle se
situe en 2006 au troisie`me rang des infections fongiques
profondes opportunistes apre`s les candidoses et les aspergilloses
(quatrie`me rang en 1999) [4,5]. Elle est due a` un
agent fongique ubiquitaire pre´sent dans les sols, les moisissures
de pain, le fumier, et les ve´ge´taux en de´composition
qui appartient a` l’ordre des mucorales [1]. Les six principaux
genres responsables d’infection chez l’homme sont Rhizopus,
Mucor, Cunnighanella, Absidia, Apohysomyces et Rhizomucor
[4].
Le scanner du massif facial et ce´re´bral est un examen essentiel
au diagnostic. Il est toujours anormal dans une mucormycose
rhinoce´re´brale [1]. L’anomalie la plus fre´quente est une pansinusite,
les autres zones atteintes sont, dans l’ordre, la paroi
late´rale des fosses nasales, le septum, le sinus maxillaire, le
palais et l’orbite [1,4]. L’oste´olyse est e´vocatrice de mucormycose,
ce qui a e´te´ le cas de notre patiente. Le scanner pre´cise
l’extension des le´sions vers l’orbite et l’ence´phale. L’IRM e´valuemieux
l’invasiondes gros vaisseauxet des sinus vasculaires
(thrombose du sinus caverneux ou de la carotide interne) ainsi
que l’envahissement ce´re´bral. Elle permettrait selon certaines
e´tudes de de´pister une atteinte ce´re´brale avant l’apparition
des signes cliniques [2]. Plus le de´lai diagnostique est long,
moins la survie est bonne [5].
En l’absence de traitement, une mucormycose est le plus
souvent fatale [1,3–6]. Un traitement pre´coce est donc requis
pour espe´rer une gue´rison, gue´rison qui n’est cependant
obtenue que dans 40 % des cas [5]. La prise en charge
the´rapeutique doit comprendre : le traitement des facteurs
pre´disposants, un de´bridement chirurgical rapide et le plus
radical possible, un traitement antifongique adapte´. L’antifongique
de re´fe´rence est l’amphote´ricine B liposomale a`
dose d’emble´e maximale (3 a` 5 mg/kg par jour) administre´e
en IV. En cas d’intole´rance a` l’amphote´ricine, une nouvelle
mole´cule est disponible, le posaconazole. Cette mole´cule
disponible sur le marche´ europe´en depuis juillet 2005,
s’administre per os. L’oxyge´nothe´rapie hyperbare pourrait
eˆtre d’un apport utile dans les cas de mucormycose se
de´te´riorant malgre´ le traitement me´dicochirurgical [7]. Il
n’existe pas de consensus sur la dure´e totale de traitement,
celle-ci variant fortement selon l’e´volution clinique des
patients.
Notre patiente est toujours en cours de traitement par
posaconazole, l’amphote´ricine ayant e´te´ tre`s mal tole´re´e
chez elle (deux chocs, malgre´ une administration progressive
du produit et malgre´ une pre´paration antihistaminique
pre´alable). Pourtant, la clinique s’est nettement ame´liore´e
puisque le diabe`te est maintenant e´quilibre´ et que les
douleurs ont disparu. Mais les images tomodensitome´triques
sont encore pre´sentes a` j + deux mois apre`s le geste
chirurgical initial.
Re´fe´rences
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